Eric Zemmour a-t-il été un bon candidat?

ric Zemmour avait pour ambition de devancer Marine Le Pen au premier tour de la présidentielle 2022 et d’être présent au second tour. Ses atouts par rapport à elle : être un homme nouveau en politique, connaisseur de l’histoire de France, bon débatteur, plus ferme sur l’immigration, s’affirmant « à droite », ayant le projet de rassembler « les droites ».

Quelles sont les raisons de son échec relatif (7,1%) et peut-on en tirer des enseignements pour un futur leader patriote?

Malgré les qualités du candidat Zemmour – éloquence, conviction, courage, culture, répartie – il n’a pas suffisamment convaincu les électeurs, en raison d’erreurs de communication et de stratégie, et en raison de son profil.

Erreurs

de communication

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1) En se positionnant comme « un homme contre »

Contre l’immigration et contre (tout contre…) sa rivale, Marine Le Pen.

Marine Le Pen ne peut pas gagner et ne le pourra jamais. Elle a perdu en 2012. Elle a perdu en 2017. Elle perdra en 2022, en 2027, en 2032. 

Eric ZEMMOUR, meeting de Metz, 18/03/2022

En attaquant sa rivale, Zemmour pose un obstacle à toute future alliance entre leurs deux partis. Marine Le Pen riposte. Le camp patriote étale dans les medias ses désaccords, ses rivalités. Son expérience d’homme de télévision qui doit retenir le public l’a formé (donc déformé) à lancer des phrases percutantes, des bons mots, des « punchlines », typiques de la politique spectacle. Le revers de la médaille, cette communication polémique le fait paraître agressif, voire hargneux.

2) En versant parfois dans l’amalgame

Il faut que ces jeunes, tous, je vous le répète tous, parce qu’ils n’ont rien à faire ici, ils sont voleurs, ils sont assassins, ils sont violeurs, c’est tout ce qu’ils sont, il faut les renvoyer, il ne faut même pas qu’ils viennent.

Eric ZEMMOUR « Face à l’info », CNews, 29/04/2020

Déclaration pour laquelle il a été condamné pour « provocation à la haine et à la violence » et « injures publiques envers un groupe de personnes en raison de leur origine » le 17/01/2022 par le tribunal correctionnel de Paris à une amende de 10.000€. Il a fait appel. De tels discours laissent des traces sur internet et sur l’image du candidat.

Bien entendu la justice française n’a pas pour valeur suprême la liberté d’expression pour les idées qui lui déplaisent. Mais de tels amalgames sont une aubaine pour les medias qui s’en servent pour assimiler dans l’esprit du public contrôle de l’immigration et racisme. Souligner le taux plus élevé de délinquance chez les immigrés que chez les autochtones (c’est un fait) ne doit pas dériver en amalgame (« tous délinquants »), provocant et qui ne convainct pas.

3) En persévérant dans son clip de campagne

Le clip de campagne d’Eric Zemmour commence par des gros plans sur les visages d’Africains, de Maghrébins souriants, suivis d’images de violences, d’échauffourées. Le ton est donné. Ces images produisent peu de sentiment d’adhésion car elles tombent dans l’écueil de « l’amalgame ».

4) Un clip de campagne rétro, nostalgique et anxiogène

Le clip est axé sur la grandeur française passée, le déclin. Zemmour apparaît dans une image sombre, l’ambiance est lugubre, rétro et poignante. Commencer par un constat aussi sombre est plus anxiogène que mobilisateur. La fin du clip, plus dynamique et lumineuse, ne parvient pas à corriger la première impression. L’auteur du clip a emprunté des images sans autorisation (ce qui est passible d’amendes et d’une peine de prison) – regrettable amateurisme.

5) Déclaration d’Eric Zemmour sur les classes spéciales pour enfants handicapés

Au milieu d’un flot d’informations, les électeurs ont peu de temps à consacrer à chacune et retiennent une impression créée par les medias qui cherchent à les convaincre que les propos sont « choquants ». Un candidat doit éviter les pièges prévisibles ; tenir compte que la capacité d’attention de l’électeur est limitée (conséquence du temps passé devant les écrans).

Erreurs

de stratégie

La question de l’immigration est bien entendu cruciale pour notre pays, mais il faut, pour convaincre les Français, en parler de façon habile, diplomatique, et non en faire le centre (voire l’alpha et l’omega) de son projet politique, sous peine de passer pour le candidat inhumain et antipathique, et de ne jamais être élu. Les propos radicaux ne rallieront pas les foules en France compte tenu de la culture française qui valorise justice, tolérance, égalitarisme.

Au fond la politique consiste en grande partie dans le sens de la mesure et des limites. Quiconque ne possède pas cette mesure n’est pas un authentique homme d’Etat ni même un homme de gouvernement.

Nicolas MACHIAVEL

Les électeurs attendaient qu’une fois brisé le tabou de l’immigration, le candidat Zemmour passe à autre chose, au lieu d’enfoncer le clou. En se concentrant sur ce thème, il paraissait mouliner une idée fixe, une obsession personnelle.

Il faut s’adresser aussi aux musulmans, aux immigrés, et ne pas les abandonner à la démagogie mielleuse d’un Mélenchon. Pensons aux musulmans qui aiment la France comme Malika Sorel, Driss Ghali et au citoyen lambda d’origine immigrée qui a compris que l’immigration massive illimitée est un danger mortel et fera disparaître tous les avantages qu’il est venu chercher en France. Mélenchon s’est adressé aux immigrés, qui se sont sentis considérés et ont voté massivement pour lui. Le camp patriote doit passer outre ses sentiments personnels et trouver une manière de s’adresser aux immigrés qui aiment la France (ils ne manquent pas).

Emmanuel Todd remarque que la sortie de Marine Le Pen sur le voile islamique lui a fait perdre l’élection, car pour les musulmans c’est un sujet sérieux. Cette évidence a-t-elle échappé aux conseillers de Marine Le Pen? Tout le monde sait que l’interdiction du voile serait inapplicable, alors pourquoi l’agiter?

Certaines erreurs de communication et de stratégie d’Eric Zemmour sont évitables en recourant aux conseils de psychosociologues. Aujourd’hui un homme politique de premier plan peut-il s’en passer ?

Erreur

de casting ?

Zemmour, par ses choix de communication et de stratégie, est apparu comme un candidat radical et nostalgique. Son électorat est aisé et âgé (selon les résultats du premier tour de la présidentielle).

Son discours critique sur l’immigration a brisé le barrage des medias, qui cherchent à convaincre que l’immigration est souhaitable, inévitable, bénéfique. Un discours radical peut-il dévoiler le réel et convaincre? ou risque-t-il de toucher les seuls convaincus? Aura-t-il une vertu seulement cathartique, sans conséquence politique? Il sert d’exutoire à une partie des Français, mais déplaît aux Français imprégnés d’idées catholiques (vivantes ou zombies) et d’universalisme (hérité des Lumières). Un mécanisme psychologique s’est déclenché chez une partie des électeurs : celui qui rejette les autres est rejeté.

Le nom du parti, Reconquête, a été critiqué car trop « intellectuel », faisant référence à la reconquista espagnole contre les envahisseurs musulmans (722-1492), une page d’histoire commencée au Moyen-Âge, une reconquête religieuse et nationale. Le rapport avec la politique actuelle ne saute pas aux yeux et nécessite une culture historique, livresque. Un nouveau nom de parti, plus actuel, tourné vers l’avenir et non le passé, serait plus adapté.

Zemmour est un auteur, un journaliste qui a une longue carrière brillante, mais en politique c’est un débutant qui n’a jamais été élu. Il ne peut se prévaloir de cette jeunesse séduisante, ce dynamisme publicitaire incarné par le « beau » Macron. C’est une erreur de casting d’avoir choisi comme « homme nouveau » un sexagénaire, si talentueux soit-il. Son âge fait de sa candidature présidentielle un « coup médiatique » unique, sans lendemain.

Reconquête pourra-t-il se faire une place durable dans la vie politique française sans son leader ? Aujourd’hui ce qui fait la différence pour l’électeur c’est le charisme, l’éloquence. Le programme n’est pas le plus important pour lui, qui souvent ne le connaît pas, ou mal. Recruter, former plusieurs jeunes cadres talentueux parmi lesquels un futur leader charismatique est essentiel pour assurer l’avenir de Reconquête et lui permettre de défendre les idées patriotes. Elles connaissent un regain d’intérêt après des décennies de gouvernance supra-nationale inefficace, bureaucratique, de moins en moins démocratique

L’avancée Zemmour

Pour les patriotes

Notre constat est sévère, mais nécessaire, car nos adversaires (les mondialistes et leurs medias) exploiteront toutes nos erreurs, nos faiblesses, pour empêcher les patriotes de parvenir au pouvoir.

Ces réserves posées, reconnaissons que Zemmour a été très utile en mettant au centre des débats médiatiques une question dérangeante, l’immigration massive incontrôlée, face à laquelle les hommes politiques paraissent impuissants, aveugles ou complices, et qui inquiète les Français.

La stratégie de l’union des droites ne peut fonctionner car aujourd’hui la droite c’est Macron. On a besoin d’une union des patriotes, toutes tendances politiques confondues, comme l’a fait De Gaulle au lendemain de la guerre ; un gouvernement social et très restrictif sur l’immigration, comme le gouvernement du Danemark, de Boris Johnson en Grande-Bretagne.

Les militants de Reconquête ont montré qu’ils aiment la France, le retour du patriotisme chez les jeunes permet de garder espoir en l’avenir.

Reconquête aurait intérêt à être géré de façon démocratique, utilisant l’intelligence collective, la formation des militants, des cadres ; en laissant s’exprimer différents courants et non en imposant une seule doctrine décidée d’en haut. Et en cela, il ferait la différence avec les autres partis.

Une réflexion au sujet de « Eric Zemmour a-t-il été un bon candidat? »

  1. super analyse . Il a été aveuglé par sa popularité et a manqué un peu de maturité politique. En ciblant uniquement le intellectuels et les classes aisées il a laissé trop de place à LFI et recoller les morceaux avec le RN va être difficile par trop de scissions …

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